Victime Collatérale de Joannie Touchette (Éditions de Mortagne – Collection Tabou)
« Je ne veux pas que tu conduises après avoir bu, Marion », me répétait-il bien avant que j’obtienne mon permis. « Tu m’appelleras et j’irai te chercher. Peu importe l’heure, compris ? »
Chaque fois, je lui répondais oui. Chaque fois.
Jamais je n’oserais faire quelque chose d’aussi risqué. Alors que lui…
Pourquoi n’a-t-il pas suivi son propre conseil ? Pourquoi a-t-il fallu qu’il prenne sa voiture, ce soir-là ?
On dit que chaque action a sa conséquence. Qu’on doit y faire face, le moment venu. Sauf que je ne suis pas responsable des gestes de mon père ! Alors, pourquoi le monde entier se retourne-t-il contre moi, me traitant comme si j’étais la coupable ?
Je n’ai pas demandé ce qui m’arrive.
Je n’ai jamais souhaité devenir la fille d’un meurtrier…
L’arrestation d’un parent bouleverse inévitablement le cours d’une vie et entraîne son lot de questionnements. Les bulles familiale et sociale du jeune sont fortement affectées ; ses repères, ébranlés. Marion n’y échappe pas. Les actes de son père la forcent à revoir ses certitudes, sa conception du bien et du mal, de même que ses plans d’avenir. Tout ça, dans l’attente du procès. Et du verdict.
J’ai découvert le nom de Joannie pour la première fois sur la couverture de ce livre de la collection Tabou. C’était une auteure qui m’était inconnue, mais dont j’ai découvert la plume en lisant « Jusqu’à lui » publié chez Luzerne Rousse. J’avais acheté Victime Collatérale, longtemps après sa sortie, au Salon du livre de Montréal en novembre 2019. Pourquoi la critique sort-elle aussi tard ? Parce qu’à l’heure de ce Salon du livre, je ne comptais pas encore devenir blogueuse et entre temps, je n’avais pas lu le roman et je l’avais oublié. Je suis honnête, je l’avais vraiment oublié, à côté des autres romans Tabou que je n’avais pas lus. Après avoir découvert l’histoire de Millie et Jesse, j’ai été poussée à savoir ce qui m’attendait dans le roman Tabou, sachant que le genre est complètement différent et le sujet également. Pourtant, le sujet était intrigant ! Je ne sais pas pourquoi j’ai attendu aussi longtemps… Peut-être j’avais besoin de découvrir autre chose, je ne le sais pas.
Anecdote cocasse, j’ai intitulé mon récit que j’ai envoyé au Prix Radio-Canada « Victime Collatérale » à cause de ce roman-ci. Bon, mon texte n’a pas été retenu, mais je trouvais que Victime Collatérale, ça pouvait dire beaucoup de choses. Ça me parlait.
Pour ceux qui ne savent pas qui est Joannie, je vous conseille d’aller lire sa biographie dans la critique de Jusqu’à Lui. Je rajouterais simplement que son prochain Tabou est prévu d’être publié très bientôt. Et comme j’écris mes critiques en avance, probablement qu’on a une date et que je vais oublier de modifier ce texte. C’est totalement mon genre. J’attends également la suite de Jusqu’à Lui qui est annoncée, mais avec un titre inconnu du public. Jusqu’à… qui ? quoi ? On le découvrira un jour, j’en suis certaine ! Et quand il sortira, je vous assure que la critique ne tardera pas !
Bref, parlons de Victime Collatérale. Dès le départ, je me suis prise d’affection pour Marion. Son monde est normal, du moins pour une adolescente. Une maison modeste, un père, une mère, une meilleure amie, qu’est-ce qui pourrait aller mal ? Un accident, tout simplement. En effet, après une dispute, le père de Marion décide d’aller changer l’air et bois un peu plus que prévu et prend sa voiture. Aveuglé à un tournant, sa voiture rentre dans une maison et tue une enfant endormie dans sa chambre.
L’émotion qu’a mis Joannie dans ce roman est juste folle. Dès le début, tu trembles et à la fin, tu trembles encore. Tu ressens la douleur d’absolument tous les personnages, sans exception. Marion ne comprend pas ce qui se passe autour d’elle et vit de l’intimidation à l’école, parce qu’elle est désormais la fille d’un meurtrier. Sa mère refuse de parler à son mari qu’elle est incapable de regarder en face. Elle qui pense beaucoup aux apparences, refuse de soutenir celui qu’elle avait accepté de soutenir pour le meilleur et pour le pire. Puis, il y a la fratrie endeuillée. On rencontre Axel et Andy. Axel cache sa peine, mais elle est bien présente. Quant à Andy, il la vit dans la colère. Je sais que plusieurs ont détesté Andy, parce qu’il devient rapidement un bully et un ennemi de Marion, mais quand on se penche un peu sur son personnage, on comprend réellement sa douleur. Imaginez être en présence continuelle avec la fille du meurtrier de votre sœur ? Ça ne doit pas être facile ni pour lui ni pour Marion qui doit apprendre à vivre avec l’étiquette du crime de son père.
Les personnages sont parfaitement construits. Ils ont chacun une personnalité différente, une façon de voir les choses et de faire face à la situation, ce qui donne plusieurs points de vue différents, ce qui est agréable. On se prend d’affection rapidement pour Marion et Axel et on a beaucoup de peine pour François, le père de l’adolescente. Il est grugé de l’intérieur par l’accident, il n’est plus que l’ombre de lui-même et c’est compréhensible. Il devra apprendre à vivre avec la mort d’une enfant sur la conscience, même si c’était un accident.
Joannie nous présente les conséquences de l’alcool au volant, en même temps qu’elle nous montre les conséquences que ça peut avoir sur un entourage. L’alcool au volant, on en a découvert une perception dans [V]ivre écrit par Sophie Laroche, mais là, on a le côté de l’enfant du conducteur et non pas le conducteur lui-même. Je crois que lire [V]ivre avant Victime Collatérale serait un bon atout, car on pourrait comprendre encore mieux ce qui se passe dans la tête de François. C’est une suggestion personnelle, puisque les histoires ne sont aucunement connectées.
De plus, en lisant le roman, il y avait une aura dans l’histoire. Une aura de tristesse, de colère, mais également, on ressentait très bien comment le personnage de Marion essai de sortir sa tête de l’eau dans laquelle elle est en train de se noyer, alors qu’elle n’a rien fait de mal. On voit très bien l’impact que peut avoir le geste commis par un parent, sur son enfant. Les ragots, l’intimidation, la persécution, les commentaires désobligeants, la violence, bref, tout. Même si ce n’était pas Marion qui est la criminelle, on la considère comme si, à cause de son père. Et c’est quelque chose qu’on peut voir dans notre société. Quand un enfant commet un crime, on montre du doigt les parents comme étant pareil, pareil pour l’inverse, alors que ce sont chacun, des personnes bien différentes. Marion n’est pas son père et elle le précise continuellement. Elle est la fille d’un meurtrier, pas une meurtrière. On comprend donc un peu pourquoi la mère de Marion essaie de s’éloigner, non seulement pour les apparences, mais surtout pour ne pas être pointée du doigt.
[SPOILER : Sélectionnez le texte ci-dessous avec votre curseur pour faire apparaître le paragraphe]
Il y a un seul élément que je n’ai pas aimé du roman et c’est la relation entre Axel et Marion. Dès le début, on comprend qu’Axel est le frère d’Ariel, la petite qui est décédée. Or, il est attiré par l’adolescente, même en sachant son identité et j’ai trouvé ça un peu invraisemblable. Autant Andy est en colère et violent envers Marion, autant Axel est attiré par elle et tombe même amoureux. Je n’ai pas compris pourquoi ce choix. De façon personnelle, je serais incapable de le faire. Marion n’est pas la criminelle, c’est vrai, mais elle reste reliée au meurtrier de sa sœur. Je trouve ça étrange. C’est mon opinion personnelle.
[FIN DU SPOILER]
Victime Collatérale de Joannie Touchette s’est taillé une place dans mes livres Tabou préférés, soit à la troisième place, entre [V]ivre et Adios. [NDA : Sachez que je publierai mes tabous en ordre de préférence après la sortie de la critique des plus anciens en novembre de cette année]. Joannie a réussi à me faire vibrer et surtout, de prendre un moment pour comprendre et réfléchir. Si le but est de sensibiliser, je crois que ce roman de la collection a très bien réussi. Je suis impatiente de découvrir son deuxième livre, ainsi que le sujet.
Note finale :
