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Idées noires de Fannie Therrien

Idées noires de Fannie Therrien (Éditions de Mortagne – Collection Tabou)

J’ai tout pour être heureuse et, pourtant, j’ai perdu l’envie de sourire. Depuis que mes parents m’ont annoncé qu’on déménagerait l’été prochain, mon quotidien s’est assombri. Un immense vide s’est installé en moi, insidieusement.


Jouer de la guitare, aller au cinéma avec ma meilleure amie, lire un bon roman, faire le party… je n’ai plus le goût de rien. Moi qui avais tant de facilité en classe, voilà que l’échec me pend au bout du nez.


Devenir vétérinaire?… Ce n’est plus qu’un rêve lointain.

Me projeter dans l’avenir?… Quel avenir?!?

Je me sens si fatiguée…


La dépression est une maladie neurologique qui affecte le cerveau et qui touche un adolescent sur cinq. Ce mal invisible s’accompagne d’une douleur profonde, de troubles du sommeil, d’une perte d’appétit et d’un sentiment de tristesse inexpliqué. Personne n’est à l’abri de ce trouble qui peut frapper n’importe quand et qui perturbe les rapports familiaux et amicaux, sans oublier la vie à l’école et au travail.


Mes attentes étaient très élevées pour ce tabou, sachant que je l’attendais depuis déjà bien longtemps. J’ai moi-même vécu une sévère dépression à l’adolescence, puis à l’âge adulte. C’est un sujet vraiment difficile qu’il faut bien maîtriser pour en parler. De plus en plus, les gens confondent « être déprimé » avec « dépression » et il est facile de se mélanger dans les symptômes, dans le cheminement de guérison. J’avais donc peur. Mais j’ai été agréablement surprise. Je crois que Fannie Therrien a relevé un défi de taille et qu’elle a bien réussi.


Native de Lanaudière, Fannie Therrien a plus d’un talent dans son sac. Passionnée de cinéma, de littérature, de musique (et même de photographie?), multiples options se sont dressées devant elle. Elle joue de la guitare (comme Olivia!) et écrit des romans à temps partiel (elle est aussi maman!). C’est en 2016 qu’elle se lance dans la parution chez les Éditions de Mortagne avec son tout premier roman : Béa dans tout ses états. Il faudra néanmoins attendre 2019 pour voir son second roman sortir en librairie, cette fois-ci chez Héritage Jeunesse : Victoria, ma vie n’est pas une fiction. Le second tome, Victoria, ma vie dépasse la fiction, paraît en mars 2020. Un mois avant, soit en février 2020, elle fait partie du collectif de #Sanstabou avec des collègues auteures chez De Mortagne. 2020 est une année chargée pour Fannie Therrien qui publie également, à nouveau chez Héritage Jeunesse, deux romans pour la collection Frissons : Dangereux directeur et La colère du démon. C’est finalement en septembre qu’elle rejoint la grande famille Tabou avec Idées noires.


Je dois l’avouer, quand j’ai commencé ma lecture, j’ai été incertaine du choix de l’auteure concernant l’élément déclencheur de la dépression de son personnage principal. En effet, Olivia voit sa vie chamboulée quand ses parents lui annoncent qu’ils déménageront au début de l’été (soit sept mois plus tard), car ils réalisent leur rêve d’ouvrir leur propre clinique vétérinaire. La jeune fille est donc terrorisée de finir son secondaire dans une nouvelle école et de perdre tous ses repères. C’est le début de la chute. Plus je lisais, plus je me suis rendu compte qu’une simple étincelle anxiogène peut allumer le feu qui mène vers les idées noires. J’ai donc été vraiment subjuguée par la descente aux enfers d’Olivia.


J’avoue avoir bien aimé ce personnage. Au début du roman, elle est haute en couleur, elle s’amuse, elle joue de la musique, elle fait partie d’un comité de lecture avec ses deux amies Marianne et Charlie, elle va au cinéma tous les samedis avec sa meilleure amie Anne-Sophie. C’est une bonne élève pleine de rêve. Bref, une ado normale. Les premiers symptômes de dépressions sont légers. Pour quelqu’un qui ne l’a pas vécu, ça ne se remarque pas tout de suite, c’est principalement pour ça que j’ai adoré que, oui les parents et ses amies s’inquiètent, mais qu’ils ne paniquent pas. La fatigue s’installe. Les courbatures. La perte d’ambition. La perte d’émotion (sauf la colère et la tristesse qui prennent leur place). La perte des plaisirs. Imaginez une boule de neige en haut d’une colline que vous laisseriez rouler. Elle grossira. C’est la même chose avec la dépression. Une chute vertigineuse.


J’avoue ne pas avoir aimé que la première partie du roman, où se passent la dépression et les idées noires, se passe aussi rapidement. C’est pour ça que je n’ai pas aimé cette partie-là. En fait, la dépression peut arriver légèrement, mais dès les premiers symptômes, le tout se dégrade assez rapidement. C’est une question de quelques jours pour certains, jusqu’à cinq à six semaines pour d’autres. Alors qu’il se passe six mois entre l’annonce et le diagnostic, j’ai trouvé ça long. Ironiquement, j’ai aussi eu l’impression que le temps y était précipité. Au fil des pages, on voit les dates et les jours de la semaine défilés à une allure pas possible. Ça va vite. Trop vite. Un coup on est le 25 décembre, puis le 18 janvier, puis le 5 février. J’avais envie de dire STOP! Ça roulait beaucoup trop vite à mon goût. Je comprends la nécessité de montrer la dégradation des notes d’Olivia, de ses relations personnelles, notamment avec ses amies avec qui elle s’isole, ses parents, mais je crois que le tout aurait pu être plus condensé.


Le tout s’améliore énormément dans la deuxième partie. Je crois que c’est à partie de là que j’ai pu apprécier le roman à sa juste valeur. J’aimais déjà la plume de Fannie. J’avais peur un peu, car j’avais trouvé son personnage dans #Sanstabou trop « enfantin », mais là, c’était juste parfait. Une touche d’humour, de noirceur, de colère, de tristesse, d’amour. Le tout était si bien dosé! J’aimais les références musicales (gros wow pour Linkin Park. RIP Chester) et celles des séries télés (big love pour Atypique). J’ai trouvé qu’enfin, Olivia sortait de son cocon et devenait un papillon. Dans la première partie, je n’arrivais pas à l’apprécier, parce que tout allait trop vite. Ici, alors que sa guérison commence, après un geste désespéré poussé par le deuil, le récit se calme pour se concentrer sur les efforts d’Olivia pour traverser la noirceur qui a envahi son cœur.


J’ai vraiment adoré cette partie-là, parce qu’on voit bien la personnalité des personnages, comme Anne-Sophie (je vais en parler plus bas) et plus de soleil, pourquoi? Parce que le personnage principal le voit. L’auteure a très bien écrit son roman pour ça, car on remarque facilement les épisodes dépressifs et les épisodes d’espoirs.


Lors du début de la guérison, je me suis rendu compte à quel point Fannie Therrien connaissait son sujet. C’est facile parler des symptômes, mais parler de ce qui s’en suit est beaucoup plus complexe. Une dépression ne se guérit pas en disant « ça va bien aller » ou « ça va passer ». C’est un combat perpétuel qui peut durer des mois, voire des années. Juste la médication prend du temps à agir et est bourrée d’effet secondaire. Parenthèse là-dessus, j’ai aimé que ce soit indiqué dans le roman que plusieurs abandonnent avant, parce que c’est le cas. J’ai aussi adoré qu’Olivia s’inquiète des effets secondaires. (J’ai passé par-là et je les ai vécus à fond les effets, mais mon dieu, ça l’a sauvé ma vie au point où je suis ici en train d’écrire cette critique, ce qui ne serait pas le cas sans la médication). Bref s’en suivent des rencontres avec des professionnels qui prennent le temps d’écouter, ce qui n’est pas toujours le cas (on salut Gros Barbu!). Ce qui a été très bien écrit dans le roman c’est le doute. C’est ce qui tue le plus dans une dépression après la dévalorisation. Le doute d’être utile. Le doute de pouvoir guérir. Le doute d’être assez bien. Surtout auprès des autres.


J’aurais aimé que les parents d’Olivia soient plus présents dans l’histoire. Qu’un des deux fasse des recherches sur la dépression, au lieu de devenir surprotecteur et parents poules. J’aurais aimé une scène où l’un deux rejoint leur fille pour lui donner de l’amour et de l’attention, soit tout ce dont elle avait besoin pour se sentir appréciée. Lors d’une dépression, on atteint le fond. La plupart du temps, il faut un plongeon pour remonter tranquillement vers le haut. J’aurais aimé que les parents servent de plongeon. Ils ont été trop effacés à mon goût.


Cependant, Anne-Sophie a été la lumière de ce roman. Ce que plusieurs oublient, c’est que ce n’est pas la majorité des adolescents qui sont irresponsables ou centrés sur eux-mêmes. Que si leurs amis ont un problème, ils vont juste les laisser faire. Anne-Sophie a apporté une maturité et une joie de vivre qui a fait du bien dans la vie d’Olivia, mais aussi dans le récit. C’est la lumière qui permet d’attendrir les scènes plus difficiles et plus tristes. Malgré son horaire chargé, malgré sa nouvelle relation avec Yan, elle est là pour son amie, du moins le plus qu’elle le peut. Elle l’écoute, ne la juge pas, la conseille de reprendre la musique, de sortir à l’extérieur, d’arrêter de cacher son corps (et par le fait même, ses cicatrices). Elle est également là pour rappeler à son amie de ne pas boire d’alcool (ce qui était devenu un vice durant la dépression. Une excellente idée, car elle est commune. Ça apaise l’esprit sur le moment, mais l’effet dépresseur empire les choses par la suite). Le fait qu’elle s’inquiète pour son amie, qu’elle la pousse à s’ouvrir au monde a fait une différence.


Quant aux personnages plus présents dans la deuxième partie, je vais y aller en surface sauf pour un. La nouvelle psychologue fait du bien pour le côté informatif de l’histoire. Autant sa gentillesse fait du bien, autant il est important de se poser pour comprendre la dépression. Pour ceux de la thérapie de groupe, je trouvais qu’ils avaient chacun une personnalité à eux, c’était très bien construit et j’avoue que ça m’a fait sourire quelques fois. Emily m’a fait beaucoup de peine. Je comprenais sa douleur et j’avoue m’être posé des questions sur sa maladie. J’ai encore des choses à apprendre. (J’ai moi-même eu une passe intense sur ce jeu, alors si ma mère avait agi comme celle d’Emily, j’aurais probablement pété un câble moi aussi). J’ai tout de même apprécié comment l’auteure l’a construite. Sa colère et sa douleur étaient difficiles, mais tant réalistes!


Puis, il y a le voisin qui fait la fête tout le temps avec ses amis. J’ai apprécié que l’auteure ne porte pas trop son attention sur les amis de Nathan. Oui, ils sont là, oui ils ont une personnalité, mais les mettre en surface a suffi à leur donner une présence, mais pas une importance capitale. C’était juste assez. Pour Nathan, j’ai adoré ce personnage. Lui aussi a une maturité qui m’a impressionnée. J’ai adoré son caractère et sa gentillesse. Je laisse ça dans l’univers, sans spoiler, mais que je sais que l’auteure va comprendre en lisant ceci : C’est un personnage que j’aimerais beaucoup revoir. Ça ferait un excellent sujet en plus.


Ceux qui ont lu comprendront, les autres, il faudra lire pour comprendre!


Bref, l’auteure connaît son sujet et mes attentes ont été répondues. Malgré le problème que j’ai rencontré dans la première partie, je crois que c’est un Tabou qui va faire partie de mes favoris. Sa plume nous fait ressentir les émotions et l’innocence d’Olivia. Elle n’est qu’une ado, comme n’importe qu’elle autre, qui a eu besoin de se faire rappeler à quel point elle est importante. Et pour ça, Fannie Therrien a très bien réussi à nous le faire vivre et ce Tabou réussit à prendre sa place!


Note finale :


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