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Celle de trop de Joannie Touchette

Celle de trop de Joannie Touchette (Éditions de Mortagne – Collection Tabou)

Échec. Failure. Fracaso. Fallimento.


Peu importe quelle langue on utilise, le résultat est le même : je n’ai pas réussi ma cinquième secondaire. En septembre, je vais devoir recommencer à zéro, tandis que ma jumelle ira au cégep.


On a beau être identiques, ma sœur et moi, un monde nous sépare. Avec ses longs cheveux châtains tressés à la Katniss Everdeen, son cerveau digne de celui d’Einstein et une bonté qui surpasse celle de mère Teresa, Cassiopée Coulombe est la perfection incarnée.


Et la préférée de nos parents.


C’est simple, elle excelle sur tous les plans, alors que je fais toujours tout foirer. À l’école, à la maison, dans la vie en général… je ne suis qu’une déception sur deux pattes. Éléonore-la-bonne-à-rien. Celle qu’on tolère par dépit, faute d’options.


Ouais, ça, je l’ai compris il y a très longtemps. Grâce à ma chère maman.


L’enfant préféré est un fait réel, plus courant qu’on ne veut le croire. Et, bien qu’il soit humain de s’accorder davantage avec certaines natures et certains types de personnalité ou de caractère, le favoritisme et l’iniquité perçus par les enfants lésés peuvent entraîner de la jalousie, de l’insécurité, une faible estime de soi ainsi qu’un cruel manque de confiance. Des blessures qui, malheureusement, persisteront.


Je me souviens du Salon du livre de Montréal, en novembre. Je me présentais face à Joannie pour la première fois, avec en main deux de ses romans, dont son tabou, le numéro 45. Quand je lui ai demandé si elle avait d’autres projets, elle a dit oui. Quand j’ai demandé si ce serait un tabou, elle a répondu encore oui. L’excitation du scoop ! C’est là qu’elle a dit qu’à l’automne, sortirait un tabou sur l’enfant favori dans une fratrie, plus précisément quand ce sont des jumeaux. Un sujet que je n’aurais jamais pensé moi-même. Très inconnu et pourtant… Le tabou de Joannie a été devancé de plusieurs semaines et c’est le 29 juillet dernier qu’il a pu prendre sa place auprès de ses 51 autres amis.


Pour la biographie de l’auteure, je vous réfère à ma critique sur son roman « Jusqu’à lui » publié chez Luzerne Rousse !


Celle de trop. Honnêtement, quand j’ai vu la couverture et la couleur du logo, j’ai été JA-LOU-SE, okay ? Je la trouvais (et la trouve) toujours aussi magnifique. Je savais que ça allait annoncer quelque chose de beau, alors j’ai lu « l’extrait » de 40 pages disponible sur le site de Renaud-Bray. Oui, selon eux, 40 pages c’est un extrait. Ceci a été une grosse erreur. Une erreur de débutante. Quand le document offert a été terminé, j’étais fâchée, j’en voulais plus ! Et tout de suite à part de ça ! Or, la seule chose que je pouvais faire c’était attendre, très impatiemment. J’ai finalement reçu ma commande, une journée avant la sortie en plus ! (Pis ce n’est même pas un service presse !!) À 5h du matin, ma lecture était finie et j’ai lâché un gros « wouah ».


Bon, vous n’aurez pas de surprise, suspense concernant mon avis, j’ai adoré ce tabou. Je crois même qu’il fait parti de mes préférés. Le personnage d’Éléonore est bien construit et ce qui m’a le plus touché, c’est sa vulnérabilité. Elle est blessée, elle tourne sa peine vers de la colère même et surtout, à force de lui dire qu’elle est un échec, elle en est devenue un. Quand tes parents, ta mère surtout te dit continuellement que tu ne fais rien de correct et d’être « comme ta sœur », miss parfaite, difficile de vouloir faire un effort. Elle aurait pu lui montrer qu’elle avait tort, mais Éléonore savait une chose, une chose que l’auteure nous a bien fait comprendre : peu importe ce qu’elle aurait fait, cela n’aurait jamais été assez. C’est la deuxième, celle née trois minutes après, c’est celle ratée, celle qui n’aurait jamais dû venir au monde. On le ressent tout le long du récit.


Des émotions, vous en voulez ? Vous serez servi.


J’ai eu de la peine pour Éléonore, car Joannie nous montre son potentiel, nous montre qu’elle peut avoir une vie, mais qu’elle est toujours rabaissée. Même Cassiopée, la jumelle, au début, est à la limite méchante avec sa sœur. On sent qu’elle est « supérieure » et que les filles ne sont aucunement égales, or, si une chose doit être élémentaire quand tu as plus d’un enfant, c’est de les aimer « inconditionnellement » à parts égales. C’est beaucoup plus loin qu’on apprend à aimer « miss parfaite », lorsque l’on se rend compte qu’elle ne l’est pas et ne l’a jamais été. Elle aussi se sent rejetée, mal aimée et voit aussi que l’amour de leur parent n’est pas uniforme.


Martine, la mère, n’a de jeu que pour Cass, alors que André, le père principalement absent, est découvert comme celui n’ayant d’yeux que pour sa Élé, celle que sa femme est incapable d’aimer.


J’ai parlé de la tristesse, il y a aussi de l’espoir. Quentin est un superbe personnage qui vient apporter une touche de maturité au texte et je dirais même un côté philosophique. Son côté de futur intervenant prend une belle place dans l’histoire et apporte de l’espoir au personnage d’Éléonore. J’ai beaucoup aimé Quentin, mais c’est aussi à cause de lui que j’ai trouvé quelques défauts au récit.


Premièrement, pour son âge, je trouvais qu’il était peut-être un peu trop mature. J’avais l’impression à certains endroits qu’il avait trente ans et non pas vingt-deux. Oui, la maturité a aidé au texte, donner la « raison » à « l’émotion », mais à certains moments c’était peut-être un peu trop, surtout à chaque fois qu’il demandait à l’adolescente de se confier à lui. L’autre moment qui m’a déplu et que j’ai même trouvé ça étrange, c’est lorsqu’il remplace un professeur à l’école secondaire d’Éléonore. D’accord, ils ne sont pas en couple, mais la tension amoureuse entre les deux a rendu un peu délicats les moments à l’école. Surtout, n’est-il pas encore au Bac ? Je n’ai pas totalement compris sa présence et si c’était nécessaire de l’avoir incorporé à cet endroit du texte. C’est les deux principaux défauts que j’ai trouvés dans l’entièreté du récit.


Après l’espoir, il y a la joie et si la joie pouvait être un personnage, ce serait Timothée. En fait, je crois que ce personnage-ci est mon favori, tout roman Tabou confondu. Il a apporté un vent de fraicheur, de bonheur, de différence et a pris sa place convenablement. Comme le sujet n’est pas encore paru dans la collection, j’ai trouvé ça différent d’avoir un tel personnage qui rendait léger plusieurs parties de l’histoire. Je ne vous explique pas pourquoi, je vous laisse découvrir cette petite merveille, car elle en vaut la peine. C’est mon coup de cœur du roman et je remercie Joannie d’avoir incorporé ce petit-grand louveteau.


Mais quand il y a de la joie, il y a de la frustration et ça, il y en a eu. Souvent. Trop. Le personnage de Martine est une grosse marde. Voilà, c’est dit ! Je m’en fou que les personnages disent qu’elle est « malade », c’est une grosse marde. En fait, j’ai apprécié les explications sur le pourquoi, ça avait du sens et ça faisait comprendre pas mal de choses, mais ça n’enlève absolument en rien au déchet que ce personnage est. On comprend à chaque fois qu’elle s’ouvre la trappe, pourquoi le personnage d’Éléonore est si malheureuse. Sa mère lui répète continuellement qu’elle ne vaut rien et surtout, elle ne la traite aucunement comme sa fille. C’est une esclave et elle ne fait jamais rien de correct. Éléonore est à la limite Cendrillon auprès de sa propre mère. Dégueulasse, frustrant, enrageant, ça paraît tu que je l’aie sur le cœur ? À chaque fois que l’auteure la faisait parler, j’avais envie de tout briser sur mon passage, ce n’est pas compliqué. J’avais envie de la frapper et de la traiter de tous les noms. La secouer, lui faire rendre compte de sa cruauté. J’aurais aimé aussi qu’Éléonore parle de « l’accident » à un moment de l’histoire, mais j’ai l’impression que se détail qui m’a fait remuer tous mes organes à l’envers a été légèrement oublié ou mis de côté, ce que j’ai trouvé dommage.


Il y a d’autres personnages importants qu’on rencontre au fil du récit, mais le plus surprenant est le père d’Éléonore et Cassiopée. Dans l’ombre depuis le début, il décide d’enfin prendre sa place, celle qu’il aurait dû prendre depuis le début et ça l’a donné beaucoup, BEAUCOUP, de légèreté au roman. Même si c’est presque à la fin, la scène père-fille est selon moi l’une des plus belles de toute l’histoire.


Quant à la fin, vraiment magnifique. Je dois avouer que c’était un peu cliché, même légèrement prévisible, mais j’ai beaucoup aimé, c’est le genre de fin que j’apprécie, car elle permet de voir plus loin que l’histoire. Certains risquent de moins aimer, alors que d’autres, comme moi, vont être très satisfaits.


En général, ce 52ème tabou est une montagne russe en émotion. Je ne pourrais pas le décrire autrement. Il sensibilise, il montre beaucoup de choses également, mais surtout : il nous fait vivre. C’est ce que j’adore dans la collection et encore une fois, c’est très bien réussi. Pour moi, Joannie a fait un 2 en 2 dans ses textes pour Tabou et je n’aurais aucun mal à le conseiller à tous. Sa plume est agréable et elle sait très bien maîtriser les genres, jongler avec les moments sérieux et les moments qui le sont moins. Juste ça, c’est précieux.


Note finale :


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