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Poids Lourd de Sophie Laroche

Poids lourd par Sophie Laroche – Collection Tabou (Éditions de Mortagne)



Le gars obèse. Celui qui se goinfre au point de se mettre en danger. Celui dont on se moque. C’est comme ça que plusieurs me voient… même dans ma propre famille. Sans se demander comment j’en suis arrivé là et comment je le vis.


Pourtant, je suis plus que ces cent soixante-sept kilos, portés comme un fardeau.

Mais, bientôt, ma vie va changer à jamais. Mon estomac de baleine deviendra de la taille de celui d’une souris. Moi qui avais l’habitude des rages de bouffe, j’aurai droit à quelques cuillères de yogourt par jour, après mon opération. Ironique, non ?


Et si je mourais pendant l’intervention ?

Et si ça ne marchait pas ? Ou pire : si j’échouais ?

Et si enfin je sortais de l’obésité ?

Et si…


Environ le tiers des adolescents canadiens âgés de douze à dix-sept ans font de l’embonpoint ou souffrent d’obésité morbide. Pour certains dont la santé est menacée, comme Simon, la chirurgie bariatrique est nécessaire. Mais elle n’est pas un gage de succès en soi… Sa réussite repose sur d’importants changements dans les habitudes de vie. Sans la mise en place d’un suivi et d’un soutien à long terme, elle se solde souvent par un échec.

 

Je reviens d’une nuit à lire deux tabous de suite. Je suis nourri aux mots. Ceci n’est pas un mauvais jeu de mots avec le sujet. En fait, quand j’ai vu le sujet apparaître dans le dépliant offert par les Éditions de Mortagne il y a presque deux ans et ensuite le sujet sortir en librairie, je savais que je devais le lire, mais je n’y arrivais pas. Je l’ai acheté au Salon du livre de Montréal, quelques jours après sa sortie en librairie. Il m’a regardé, je l’ai regardé. Il y avait un blocage. J’avais peur de lire ce qui se trouverait entre les pages. J’avais peur de l’histoire de Simon/Nathan, mais en toute honnêteté, je la connaissais déjà, car moi j’ai été témoin de cette histoire avec ma mère.


Je sais que ça fait deux critiques tabous que je parle de ma mère, mais là, c’est… j’ai eu l’impression d’être à nouveau témoin de ce que j’ai vécu pendant une bonne partie de ma vie. Ma mère n’a pas honte de le dire, d’en parler, elle voulait même que j’écrive son histoire, mais je n’ai jamais été capable. J’ai grandi avec une mère obèse. Dans mes souvenirs d’enfance, ma mère était grosse. Sur les photos de sa jeunesse, elle était grosse. Ma mère a atteint plus de quatre cent soixante-cinq livres. C’est un gros chiffre. Bien sûr, elle subissait les regards, comme Simon a reçu les siens. Mais Sophie a également montré, avec des « journaux » de membres proches du protagoniste, que les regards ne sont pas que sur le « gros », mais sur son entourage aussi. Moi, j’ai grandi dans les rires et les insultes envers ma mère. « Ta mère c’est une baleine! », « Ta mère est grosse ! », « Ta mère est ci » et bien entendu « Ta mère est ça. » J’ai grandi avec une mère qui ne pouvait pas monter dans les montagnes russes ou faire certaines glissades d’eau. J’étais la fille de l’obèse morbide. Ma mère ne s’en est jamais fait avec son poids. Elle continuait ses mauvaises habitudes alimentaires, elle se noyait dans le jeu et la nourriture (et les boissons gazeuses), mais elle n’en avait rien à faire. Elle était même modèle pour femmes rondes ! C’était simplement plus difficile pour moi de vivre avec ça. Alors j’ai très bien compris les sentiments du père de Simon dans le roman, je l’ai vécu. La honte, le doute, la colère, l’incompréhension, mais également la terreur.


Ma mère a finalement eu la chirurgie bariatrique par obligation de son médecin, après un accident de travail. Ce fut difficile, l’adaptation de l’estomac. Les crises, vouloir manger, mais ne pas pouvoir, être incapable d’apprécier ce que tu aimes. Puis, elle a commencé à fondre, à fondre et ça n’a jamais arrêté. Aujourd’hui ma mère pèse moins que moi. Elle pèse cent soixante-quinze livres. Elle est passée d’un extrême à un autre, de l’obésité à l’anorexie selon son IMC. Elle n’avait pas de trouble alimentaire, mais son corps rejetait la majorité des aliments, même après plusieurs tests. Elle n’a pas eu de problème comme Stéphane, n’a pas repris beaucoup de poids comme Mila, mais son estomac n’a plus jamais été pareil. Les pâtes, elles ne les digèrent plus. Le pain, avec difficulté. Elle mange comme une enfant de huit ans en termes de portion.


Quand j’ai vu ma mère dans cet état, j’ai eu plus peur pour elle que lorsqu’elle était obèse. Elle n’était toujours pas en santé. Et moi ? J’étais terrifié. Je refusais de prendre du poids. Je ne voulais pas être obèse moi non plus. Je m’étais juré que jamais je n’irais en haut de cent quatre-vingts, puis en haut de deux cents et maintenant pas en haut de deux-cent-vingt. J’ai toujours été préoccupé par mon poids, un peu comme l’a été Simon après son opération. Peur de manger quelque qui te ferait prendre dix livres d’un coup.


L’obésité, quand on la voit, on la juge, mais on ne pense pas à la peur derrière. L’histoire que nous a apportée Sophie Laroche, c’était ça : la peur. Le père de Simon qui s’inquiète pour son fils. Simon qui s’inquiète d’une reprise de poids. Le stress fait grossir, fait manger, rend dépressif.


J’ai adoré comment elle a amené aussi aisément l’histoire de l’adolescent et qu’elle nous a, progressivement, montré les inquiétudes de son personnage, mais également tous ses efforts et ses tentations. Avoir une opération c’est facile, mais battre sa dépendance à la nourriture et son obésité, c’est le combat d’une vie.


Simon a une personnalité en or et (heureusement !) il ne devient pas un gros con mince. J’ai tout simplement succombé à son charme. Qu’il soit obèse ou pas, ça reste une personne qui a des rêves, des envies et ceux qui osent être grossophobes sont à mes yeux, des racailles de la société. On ne sait jamais ce qui se passe dans le métabolisme d’une personne, le traumatisme qui se cache derrière la nourriture ingurgitée. Ici, c’est un deuil particulièrement éprouvant et j’ai été bouleversé.


Après l’opération, le jeune adolescent n’est concentré que sur une chose : les chiffres qui descendent. Ça en devient une obsession. N’est-ce pas remplacer une obsession par une autre ? Mais celui-ci est motivé ! Il veut mincir, il veut arrêter d’être le « gros » qu’on regarde.

J’ai particulièrement apprécié la présence d’Adèle et Félix, mais je suis un peu déçu que son frère Benjamin ait été aussi peu présent du récit. J’aurais aimé avoir sa vision de la chose, pas seulement à la fin. Quand un obèse perd du poids comme Simon, tout le monde est touché. On a parlé de ses cousines, de sa tante, de ses parents, de ses amis, de ses ennemis, mais son frère là-dedans ? J’ai eu l’impression qu’il était le petit oublié.

Une autre chose que j’ai appréciée, c’est que l’auteure n’a pas succombé à la facilité et au cliché. Il y a eu un travail important dans l’esprit de Simon quand les chiffres diminuaient sur sa balance. Une psychologie a dû s’installer dans sa tête. Ça ne se fait pas tout seul. La méthode des vêtements est une claque au visage, mais également une fierté. C’était un très bon moment.


Pour ma part, je ne voulais pas que Simon et Adèle finissent ensemble. C’était trop facile et limite dégueulasse. Adèle ne s’intéresse pas à Simon parce qu’il est gros, mais maintenant le serait, car il est rendu mince ? Non. Alors je remercie Sophie Laroche de ne pas l’avoir fait et d’avoir montré à son personnage l’amour au-delà des apparences.


Comme j’ai dit plus haut également, il y a quelques passages de pensées des autres personnages : la mère, le père, Adèle et Mila. J’aurais aimé en apprendre plus sur Mila, elle aussi, je l’ai trouvé oubliée. J’aurais aimé qu’elle prenne de la place dans la vie du petit groupe, voir même que Simon l’invite à l’aquacycle !


Le seul détail que je n’ai vraiment pas aimé, c’est la deuxième opération de Simon, l’abdominoplastie. Un chirurgien qui décide, par gentillesse et GRATUITEMENT de te faire une liposuccion des hanches, durant ton opération, sans t’en parler, c’est un gros non. C’est une rupture du consentement médical qui peut seulement être brisé si le patient est en train de mourir. Et gratuitement ? Ce n’est pas impossible, mais la probabilité que ça arrive dans la réalité c’est de 0,005%. Alors j’ai trouvé cela un peu farfelu et ça m’a déplu.


En général, c’est un bon livre. Je crois que j’ai eu, personnellement, de la difficulté à cause de mon expérience personnelle, alors j’étais peut-être un peu plus critique et j’avais un peu plus de misère à me plonger dedans. Simon est adorable, les personnages sont bien construits, c’est très réel comme situation (sauf la liposuccion) et le fait qu’on avance dans le livre aussi progressivement que la perte de poids du protagoniste aide beaucoup à s’immerger dans l’histoire.


Je le conseille à ceux qui veulent en apprendre plus sur l’opération. Sinon, il existe plusieurs groupes Facebook sur le sujet et d’aide (un peu comme le groupe de Simon dans le roman !).

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