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Hare Krishna de François Gilbert

Hare Krishna de François Gilbert (Leméac)

Mikael Dionne a seize ans, bientôt dix-sept. Il a quitté la Beauce pour une dérive montréalaise qui l'a conduit, après un vol à l'étalage raté, à devenir un dévot de Krishna.

Quand il débarque dans son village natal vêtu en moine, le crâne rasé, il fait figure d'extraterrestre. C'est l'occasion de retrouver malgré lui son ancienne identité, son frère, sa parenté, ses amis, le curé de sa paroisse, qui critiquent son choix et cherchent à le ramener dans le « droit chemin ».


Mais cette vie tracée d'avance peut-elle encore lui convenir ?


Je sais le sourcillement que vous avez probablement eu en lisant le titre ou en voyant la couverture : qu’est-ce que c’est que ça ? C’est la réaction que moi j’ai eue, en voyant ce livre dans ma liste de roman obligatoire dans un de mes cours universitaires. Il avait l’air d’un de ces romans épouvantables qu’on a à lire pour l’école et qui sont interminables. J’ai jugé un roman par sa couverture et je le regrette.


Pour la fin de l’année, la dernière critique de 2020, j’ai décidé d’y aller avec un roman qui est venu me chambouler et comme c’est la fin de ma session universitaire, je voulais vous parler de mon cours de cœur de la session.


François Gilbert est un québécois qui est passionné des cultures étrangères. Il a voyagé en Asie, ce qui lui a inspiré son roman « Coma » publié en 2012 chez Léméac. C’est son tout premier roman et il recevra le prix Canada-Japon la même année. En 2014, il publie « La maison d’une autre » en plus de travailler dans une école de francisation pour immigrants. C’est à partir de 2016 qu’il débute une trilogie jeunesse avec le premier tome Hare Krishna qui remportera le Prix du Gouverneur général. Les suites, « Hare Rama » et « Mayapur » sont respectivement sorties en 2018 et 2020.


Ce qu’il faut savoir c’est qu’en ouvrant ce roman, je n’étais clairement pas préparé à ce que j’allais y lire. La quatrième de couverture parle de religion et la religion et moi, ça fait deux. (Je précise ici TOUTES les religions, incluant le catholicisme) J’étais effrayée de ce que j’allais lire, j’avais peur d’être découragée. Étrangement, lorsque j’ai vu les personnages de la mère de Mikael, ainsi que son frère, je me suis dit : est-ce que je suis intolérante comme ça ? Est-ce que c’est la réaction que j’ai eue en voyant le roman ? Je me suis posé des questions et c’est exactement ça qui a été absolument époustouflant.


Je. Me. Suis. Posé. Des. Questions.


J’ai la mi-vingtaine, ce roman a comme personnage principal un adolescent de seize ans en pleine quête identitaire où toutes les actions sont à la limite de la métaphore de la crise d’adolescence. Je ne pensais pas que ça me ferait réfléchir, mais oui.


La religion et moi, on ne s’entend pas. J’ai beau essayer de comprendre, de voir plus loin, je n’y arrive tout simplement pas. Pourtant, dans Hare Krishna, Mikael parle des dévots et je n’ai pas eu l’impression qu’il tentait de me mettre sa religion dans le fond de la gorge et c’est pareil pour les personnages. À aucun moment il n’essaie de convertir qui que ce soit. Il vit selon ses nouvelles doctrines et la seule chose qu’il veut c’est la paix. Il a l’impression de devenir une meilleure version de lui-même, mais la question qui planera durant le roman c’est : est-ce le cas ?


Le personnage de Mikael essaie de se trouver lui-même à travers une dualité extrémiste. Il y a son « ancien lui », un fugueur, drogué, toujours sur le party, intimidateur et le « nouveau lui », religieux, sans émotion, dévoué à un être supérieur. Il passe vraiment d’un extrême à l’autre, croyant trouver sa vocation, un monde en paix qui a toutes les réponses à sa misère, mais surtout à sa colère. Avec les dévots, sa colère est apaisée, sa petite voix s’est enfin tût, mais il comprend rapidement que ce n’est pas en chantant Hare Krishna ou en étant dévot que cette colère est partie, elle s’est juste assoupie. Il a tassé le problème au lieu de le régler et c’est ce qui va lui causer des tourments pénibles.


On voit aussi une rébellion de la norme. Mikael remet en question la société dans laquelle il a grandi et celle dans laquelle les autres vies. Il fait une coupure entre la société du Temple et celle du monde, alors qu’elles sont la même, simplement différente. Il y a un monologue, qu’il délivre à sa mère qui m’a foudroyé et je le jure, mes mains tremblaient. J’ai lu le passage à ma mère qui s’est vu bouleverser aussi. Cette réflexion sur la vie qu’on mène m’a été très troublante. Le moule dans lequel on rentre sans poser de question, rejetant ceux qui veulent vivre différemment. Est-ce vraiment ça la vie ? Je crois que c’est le passage qui m’a fait comprendre à quel point ce roman était spectaculaire. L’auteur a compris et a réfléchi sur le monde qui nous entoure, puis a créé un personnage qui le déstabilise.


Le pire là-dedans, c’est que tout est écrit avec des mots simples et si réalistes qu’on est vraiment immergé. On ressent les émotions de tous les personnages. On comprend les choix de chacun, tout comme leurs craintes. On voit la dualité que vit Mikael dans sa tête et dans sa foi.


C’est finalement à la fin qu’il va comprendre que ce n’est pas Krishna qui va le sauver, mais lui-même avec un élément particulièrement important : l’amour. L’amour guérit. L’amour vient chercher notre noirceur pour y apporter de la lumière. C’est cet amour qui va permettre à Mikael de s’accepter. Sa vulnérabilité et sa conscience font partie de lui, il ne peut pas l’effacer en chantant Hare Krishna. Il n’y a pas « d’ancien lui » et de « nouveau lui », il y a juste lui qui doit grandir, faire ses choix, apprendre à être une meilleure personne en apprenant de ses erreurs.


Tout ça ensemble apporte un fracassement de notre petite bulle personnelle. Ça m’a tellement retourné que lorsque j’ai terminé ma lecture, j’ai lâché un « wouah ». J’ai trouvé la fin précipitée, mais c’était avant que je me rende compte qu’il y avait deux autres tomes qui sont clairement dans ma liste d’achat.


J’ai jugé un roman par sa couverture et je n’aurais pas dû, car je n’ai absolument rien de négatif à dire sur ce roman. C’est un total coup de cœur et je remercie mon enseignante, Marie Fradette, d’avoir mis ce livre dans notre liste de lecture obligatoire. Je crois que ça m’a assez remis en question, que j’ai accepté de vivre le moment présent et de m’accepter moi dans mon entièreté.


Note finale :


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