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Le journal d'une timbrée de Sabrina Billard

Le journal d’une timbrée de Sabrina Billard (Éditions Tête Haute)


Le journal d’une timbrée, c’est le récit poignant d’une jeune adulte, prise entre son parcours d’intimidée et la découverte de sa bipolarité. Sabrina, à travers ses expériences, nous livre ses états d’âme des dernières années. De la fin de son secondaire, jusqu’à son entrée dans le monde des adultes, elle nous raconte sans censure les événements troublants auxquels elle a fait face. Forte de sa détermination à se libérer de son passé, elle nous permet par son récit de comprendre sa maladie. Une maladie bien sournoise qui a assurément eu un impact important face à l’intimidation dont elle a été victime.


Je dois quand même être honnête (quand est-ce que je ne le suis pas ?), j’ai acheté le livre à cause de son prix et de sa couverture et non pas pour l’histoire. Comme la maison d’édition change de ligne éditoriale, ils ont fait un gros rabais sur le roman pour épuiser les stocks et quand j’ai vu la couverture, elle m’a parlé, alors je l’ai acheté. C’est après que j’ai lu la description et je me suis dit « Ça pourrait être intéressant », ayant moi-même, dans ma famille, des gens atteints du trouble bipolaire et ayant, moi-même directement, été victime d’intimidation. Je voulais découvrir ce que Sabrina avait à dire. J’ai été agréablement surprise et je n’ai pas du tout regretté mon achat, lorsque j’ai tourné la dernière page.


Difficile de faire une biographie d’une auteure dont les deux livres publiés sont des journaux autobiographiques, sans dévoiler tout ce qui se passe dans les romans. N’ayant pas lu son premier, j’ai eu l’impression qu’il me manquait des informations pour le deuxième, mais ils sont aisément lisibles séparément. Sabrina Billard n’a pas eu une adolescence comme tous les autres. À quatorze ans, elle devient auteure de son roman « Le journal d’une intimidée » qui relate ses difficultés et sa détresse face à l’intimidation qu’elle a vécue au primaire et au début de son secondaire. Par la suite de cette publication, elle fera plusieurs conférences pour sensibiliser sur le sujet. C’est à l’âge de dix-neuf ans, soit cinq ans après son premier livre, qu’elle publiera chez les Éditions Tête Haute, un deuxième journal : « Le journal d’une timbrée » qui, bien qu’il parle encore d’intimidation, évoquera également d’un sujet plus difficile, celui de la santé mentale, précisément la bipolarité dont est atteinte l’auteure. Elle a quelques autres projets littéraires en cours, mais rien n’est sorti pour le moment.


En commençant le livre, j’étais mitigée. L’écriture de l’auteure est fluide et on ressent bien ses émotions, mais plus j’avançais dans les pages, plus je me posais des questions. Sabrina évoquait la publication de son premier roman et le fait que certains pensaient qu’elle écrivait pour jouer la victime et chialer. Au tout début, je l’ai pensé au début, mais je dirais dans les quinzaines premières pages. Je me demandais le but d’écrire l’histoire, à quoi ça servait pour les autres ? Est-ce qu’il y avait un côté un peu « narcissique » à écrire sa propre histoire ? Mais rapidement, j’ai compris l’importance des mots de Sabrina et j’ai vite chassé ses questions de ma tête. Lorsqu’on parle d’intimidation, de santé mentale, il y a toujours le côté un peu « tabou » qui embarque. Le jugement, les questions, exactement comme je l’ai eu. Mais moi, j’ai pris le temps de comprendre l’auteure. Si elle a écrit ce livre, ce n’est pas pour être victime, pour chialer ou parce qu’elle est narcissique, mais parce qu’elle veut sensibiliser, dénoncer, montrer l’exemple et ça c’est particulièrement humble de sa part. Certains usent de fiction pour parler de leur histoire, d’autres non et c’est bien correct comme ça. Oui, à certains moments, tu te demandes pourquoi elle en parle, pourquoi elle se « vente » même, mais la question est vite répondue par quelque chose de tout simple : pouvons-nous être fier de notre travail ? Pouvons-nous le partager avec les autres ? Sabrina a écrit et publié un roman à quatorze ans. Il est probable oui, qu’elle en parle à tous, qu’elle soit heureuse de sa réussite, qu’elle veuille partager son bonheur, car elle a travaillé pour. Sommes-nous obligés d’être jaloux ? Quand elle a commencé à parler de Kevin et de Catherine, mais surtout de Kevin, j’étais triste. Avec un ami comme ça, tu n’as pas besoin d’ennemi. Pourquoi, au lieu d’être heureux pour Sabrina, a-t-il été obligé de la rabaisser pour se remonter ? Ce n’est pas parce que ton voisin a un gazon plus vert que le tien n’est pas beau. Chacun peut réussir à sa manière et à son rythme. Si l’auteure nous raconte ses efforts, son travail acharné au point de ne pas dormir, c’est pour montrer que les réussites, ça se travaille. Bon, je l’avoue, j’étais jalouse de ses notes à l’école ! (haha)


Ainsi, quand elle décrit comment elle s’est sentie face à la perte de son amitié avec Kevin, l’adulte en moi a réagi en disant « Tant pis pour lui ! Il ne te méritait pas », mais l’adolescence en moi, cachée encore bien profondément dans ma personne s’est mise à pleurer. Je sais que j’aurais réagi comme Sabrina, j’aurais pleuré, j’aurais crié, j’aurais supplié même. Pas pour son amitié, mais pour sa compréhension. C’est difficile de voir quelqu’un te détester autant pour des choses dont tu n’as pas le contrôle. Oui, Sabrina a été négative face à sa nouvelle relation de couple, mais n’est-ce pas ça être un ami ? Avoir des doutes, des questions, discuter et avoir peur que son ami soit blessé ? Peut-être qu’il y avait un peu d’égoïsme dans ses paroles, certes, mais était-ce une raison pour faire ce qu’il a fait ? Absolument pas. Je crois que l’auteure a cherché à comprendre son ancien ami, plus qu’elle ne voulait récupérer son amitié. Ça c’est l’adulte qui a trop lu de philosophie qui pense ça.


Le fait que ce soit une forme d’autobiographie est difficile à critiquer, car tu sais que tu critiques la vie de quelqu’un, ses expériences de vies, ses choix, sa personnalité. Cependant, je me suis énormément vu dans l’écriture de Sabrina. Je n’ai pas vécu la même chose, je n’ai pas de trouble bipolaire, mais mon cheminement lui ressemble et j’avais l’impression de lire mes mots et mes émotions. Moi aussi, on m’a humilié, intimidé, on m’a même poussé dans des escaliers de béton « juste pour le fun », on m’a traité de « pute » dans les corridors et je passais tous mes diners à la bibliothèque quand j’étais en froid avec mes amies. Cela ne m’a pas empêchée de faire une grave dépression et finir hospitalisée dans un hôpital psychiatrique lors de ma cinquième secondaire, comme Sabrina l’a été durant sa quatrième. Même si moi, j’avais des amies, je me sentais seule au monde et incomprise.


Tout comme Sabrina, j’ai eu de la difficulté à me faire entendre, à me faire écouter. On me brassait d’un bord et de l’autre, me refilant à un collègue ou à un autre. Ce n’est pas normal qu’une adolescente ait envie de mettre fin à ses jours et qu’on lui dise de perdre du poids, que ça va aider à sa confiance en soi et qu’elle ne voudra plus mourir. C’est pourtant ce qui est arrivé à Sabrina, y croyez-vous ? J’étais ahurie devant mon livre et j’avais envie de tout péter. Ça m’a fait revivre des souvenirs douloureux de ma propre adolescence où la pédopsychiatre qui me suivait à l’hôpital m’a dit d’arrêter d’être en colère contre la terre entière pour régler mon problème de colère. Comparé à Sabrina, mon séjour à Albert-Prévost ne m’a pas du tout aidé, car celle qui me suivait ne m’a jamais écouté. Je suis sortie et je me suis remise à faire de l’automutilation et de la dissociation psychotique menant à une énorme psychose. Mais je n’avais qu’un « problème de colère », alors j’ai compris la frustration de l’auteure quand elle a eu l’impression que le système de santé l’avait lâché, alors qu’elle était à deux doigts de se suicider. « Tu n’as pas de plan, bah rentre chez toi ». Non ! Ça ne devrait pas fonctionner de même et ça ne devrait JA-MAIS apparaître dans un livre, parce que ça ne devrait pas exister des médecins qui disent ça, pensent ça, agissent comme ça !


Quand Sabrina a parlé de son diagnostic de bipolarité, moi aussi je l’ai comprise. Le soulagement, mais aussi le deuil face à la nouvelle. Savoir que tu n’es pas seule, mais que tu seras pour la vie complètement différente. Moi, c’était un trouble d’anxiété généralisée, ce que je considère « moins pire » que la bipolarité, mais qui nécessite également une médication à vie. À travers les mots de l’auteure, j’ai compris la détresse de certaines personnes qui en sont atteintes autour de moi. La colère, la douleur, le combat d’une vie. Elle a véritablement fait sentir les échos de ses émotions à travers ses mots. Je ressentais absolument tout. C’est à ce moment que j’ai pris un moment pour me dire qu’elle avait un véritable talent d’écriture. Ce n’est pas tout le monde qui arrive à faire vibrer ses lecteurs avec ses mots, mais surtout à se faire comprendre, à dire « stop, écoutez-moi, ressentez-moi » et pour ça, bravo.


Ce livre est vraiment une pépite si vous voulez vivre et comprendre à travers quelqu’un. Peut-être ai-je été beaucoup plus touchée dû aux ressemblances que nous avons vécues et peut-être ce sentiment juge-t-il mon appréciation, mais je ne crois pas. Je crois que chacun peut lire son histoire et lâcher un « ouf », un « ayoye » et un « oh my god » au début, au milieu et à la fin du récit, même sans l’avoir vécu, car elle nous transporte dans son histoire avec une facilité déconcertante. On voit bien qu’elle veut libérer un poids sur sa poitrine, mais je la comprends. J’aurais fait la même chose.


Le seul petit élément qui m’a un peu déçu, c’est de ne pas avoir plus parler de William et de comment il l’aidait concrètement. J’aurais bien aimé en savoir plus et j’espère qu’encore aujourd’hui, ils sont ensemble et que tout va pour le mieux, car une personne comme lui, ça ne court pas les rues.


Je sais que le livre est toujours en vente au prix de 4,99$ sur le site des Éditions Tête Haute juste ici : https://www.editionstetehaute.ca/product-page/le-journal-d-une-timbr%C3%A9e. En revanche, je ne sais pas jusqu’à quand, car ils avaient envisagé de l’enlever de leur site web après épuisement des stocks (si j’ai bien compris leur post sur Facebook). Alors c’est votre chance, maintenant, d’encourager une auteure d’ici, qui a une histoire à vous raconter. Elle vaut la peine.


PS : Petit message à Sabrina, si elle lit ceci. J’espère que ton père a compris la différence entre « timbré » et « maladie mentale ». Quand j’ai lu le passage sur ton père qui juge ceux qui sont victimes de dépression, j’ai cru lire une description du mien. Sauf que, moi, malgré ma dépression et mon trouble, malgré celui de mon frère et ceux récurent dans notre famille, il croit encore qu’on a choisi notre sort et qu’on est des fainéants qui veulent profiter d’une aide financière avec l’excuse d’avoir un problème de santé mentale. Je t’ai lu, je t’ai comprise et j’espère que tout va pour le mieux maintenant.


PPS : Merci pour le wake-up call sur la médication. Moi qui avais arrêté, je l’ai reprise le soir même après avoir lu ton roman.


Note finale :


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